Dansé à la gloire de Krishna et de ses amours avec la bergère Rada, le Manipuri, plus spécifiquement le Rasa Lila, est l’une des six danses classiques emblématiques de l’Inde, au même titre que le Bharata Natyam ou le Kathak. Comme son nom l’indique, cette danse est originaire du Manipur, un État du nord-est de l’Inde, qui s’étend sur les contreforts de l’Himalaya. Une danseuse interprète Krishna. Elle est accompagnée d’autres danseuses qui sont les bergères ou gopi, dont Radha, la favorite de Krishna.
Il est dit que quand Krishna, Radha et les gopi dansèrent le Rasa Lila, Shiva fit en sorte que rien ne perturbe la beauté de cette danse. Parvati voulant aussi la voir, Shiva choisit les belles vallées du Manipur où le Rasa Lila fut à nouveau interprété, et où il est toujours dansé depuis.
Dévotionnel à l’origine, le Manipuri est, aujourd’hui encore, considéré comme une expérience spirituelle et nullement comme un divertissement. Il est interprété sur les parvis des temples lors de différentes fêtes religieuses, et peut durer toute une nuit. Considérée comme l’une des plus harmonieuses et plus douces, cette danse est basée sur une série de mouvements circulaires, évitant toute ligne droite, tout angle, tout mouvement incisif. Tout en ondulations, une impression d’extrême douceur se dégage du Manipuri qui ne laisse point soupçonner les efforts nécessaires au contrôle du corps. Les mudra, ou gestuelle des mains, se distinguent de celles des autres danses classiques. Quant au potlei, le costume des danseuses qui incarnent les gopi, il aurait été conçu après que le Maharaja Bhagya Chandra (1763-1798) l’ait vu en songe. La jupe caractéristique avec son panier cylindrique, est généralement rouge, sauf celle de Rada qui est de couleur verte. Sur leurs têtes et leurs visages, un très léger voile transparent accentue l’effet de douceur sans toutefois cacher les douces expressions des danseuses.
Le Pala Kirtana (ou Nata Sankirtan ou encore Sankirtana) est une autre forme rituelle de l’hindouisme vishnouite particulière au Manipur. Il est interprété exclusivement par des hommes en cercle, vêtus de dhotis et de turbans d’un blanc immaculé, chacun muni d’une paire de cymbales reliées par un cordon rouge. Ce rituel, mystique et extatique, est mené par le chanteur principal et deux tambours dhak. Il est présent à toutes les étapes qui marquent le cycle de la vie et accompagne les hommes depuis leur naissance jusqu’à la mort, ainsi que lors de toutes les fêtes religieuses. Rarement présenté à l’étranger, le Sankirtana est un joyau qui subjugue par la beauté des poèmes chantés, les voix et les rythmes qui s’accélèrent en crescendo, et les gestes expressifs d’une sobriété épurée. Un pur ravissement.
Ranganiketan est un ensemble à géométrie variable. Il est dirigé par W. Amarjit Singh, qui a dédié sa vie aux arts et à la culture du Manipur. Le Festival de l’Imaginaire invite plusieurs guru accompagnés de leurs disciples : Padmashri Guru S. Thanil Singh, âgé de 64 ans, est reconnu au Manipur comme le maître le plus important du tambour traditionnel pung. Guru L. Lakpati Singh, 58 ans est incontestablement le plus grand et meilleur chanteur de Nata Sankirtan dans tout le Manipur. Il a reçu plusieurs prix, dont celui de la Sangeet Natak Academy en 2001. Guru N. Shyamchand Singh, 54 ans, est un des maîtres du cholom, un autre joyau du patrimoine du Manipur, une magnifique et impressionnante danse traditionnelle des tambours. À découvrir.
Arwad Esber