Flamenco et soufisme

© Bill Akwa Betote

Concert

Samedi 13 mars 2010 - Paris

Flamenco et soufisme Syrie / Espagne - Chants d’amour d’Al Andalus
  • Sam 13 mars 2010 à 20:30 - Paris - Institut du Monde Arabe

Curro Piñana, une des plus belles voix flamencas d’aujourd’hui, avait adapté, il y a quelques années, des poèmes du grand mystique Ibn Arabi et les avait interprétés dans le style flamenco. Né à Murcie, Ibn Arabi est mort à Damas et l’on peut aujourd’hui encore visiter sa tombe, dans le quartier qui porte son nom.

Waed Bouhassoun, jeune chanteuse syrienne au timbre de voix rare, est connue du public du Festival de l’Imaginaire où elle a fait ses débuts sur scène. Après avoir chanté Rabi’a Al Adawiya, la « mère » des soufis, elle revient avec Curro et Carlos Piñana interpréter les oeuvres de trois grands poètes andalous : Ibn Arabi, Wallâda Bint al-Mustakfi et Ibn Zaydoun. L’idylle entre ces deux derniers fut à l’origine d’une magnifique poésie amoureuse.

La rencontre de Curro et Carlos Piñana avec Waed Bouhassoun eut lieu la première fois en 2008, à l’occasion de l’inauguration de l’ensemble des événements et activités programmées dans le cadre de « Damas capitale culturelle du monde arabe », un Damas éternellement nostalgique de l’Andalousie des Omeyyades, une Andalousie fantasmée, rêvée comme un paradis perdu.

Nés à Carthagène dans une famille de musiciens, les frères Curro et Carlos Piñana ont baigné dans une atmosphère de flamenco et de cantes mineros, ces « chants du Levant » à la résonance profondément tragique car inspirés par les chants des mineurs, d’où leur appellation.

Curro Piñana est aussi un grand chanteur de saetas, chants de la Semaine Sainte qui auraient subi deux influences non négligeables : une influence arabe, celle de l’appel à la prière des muezzin et une influence juive, celle de la hazanout, la psalmodie synagogale. Son chant, à la fois puissant et doux, est tout en développements mélismatiques, en arabesques qui entrelacent, captivent et subjuguent les sens de l’auditeur.

Son jeune frère, Carlos, a tracé sa voie, forgé sa propre personnalité tout en respectant l’enseignement de leur grand-père, Antonio, grand chanteur de flamenco, référence absolue des cantes mineros. Ce musicien à la virtuosité et à la délicatesse expressives, surprenantes, possède un sens très marqué des structures rythmiques pour la composition. Les dialogues intimes entre la voix et la guitare sont de purs moments de grâce.

Depuis ses premières apparitions publiques dans le cadre du Festival de l’Imaginaire en 2006, Waed Bouhassoun a poursuivi son ascension et enchaîné les concerts, s’imposant comme une artiste qui tient ses promesses d’excellence, provoquant le recueillement de ses auditeurs et suscitant à chaque fois l’admiration de son public.

Soufisme, mysticisme… Rien n’est autant galvaudé, aujourd’hui, que ces notions servies à toutes les sauces sous le moindre prétexte. Phénomène étonnant dans cette époque si « dogmatique ». Ou bien serait-ce alors un appel au secours, une manière indirecte et inversée d’exprimer un mal-être profond, un besoin de se libérer, de transcender la banalité du quotidien ? On peut légitimement hésiter à parler de « soufisme » pour ce concert, même si la poésie d’Ibn Arabi le justifierait à elle seule. Mais… ce serait ne pas tenir compte de Waed Bouhassoun, une voix arabe exceptionnelle qui exprime une force fragile, un amour absolu, gratuit et tragique. Et ce serait oublier que la voix et le chant de Curro Piñana brisent les chaînes du connu et nous emportent à travers ce « chant de l’ardent désir » vers une Andalousie intérieure.

Arwad Esber

Informations pratiques

Dans le cadre du 14ème Festival de l'Imaginaire

Distribution

Waed Bouhassoun, chant et ‘ûd
Curro Piñana, chant 
Carlos Piñana, guitare 
Miguel Angel orengo, percussions