Ce panorama de la musique liturgique et monastique russe, interprété par un des choeurs les plus réputés de Russie, illustre la riche histoire de la musique orthodoxe russe depuis l’abandon du chant byzantin à la fin du XVIe siècle.
Les premières polyphonies religieuses, inspirées par le chant populaire russe, voient le jour au xviie siècle, à la suite de l’ouverture à l’Occident et de la découverte du chant liturgique polonais. Un siècle plus tard, les chantres russes adaptent le principe du choral luthérien à de vastes compositions à 8, 12, voire 48 voix. Mais le xviiie siècle est aussi celui du goût italien. Le public se rend à l’église comme on va à l’opéra pour écouter les « concerti à plusieurs parties » de Dmitry Bortniansky. Plus tard, les compositeurs de l’Ecole de Saint-Petersbourg se tournent vers le romantisme allemand, puisant leurs thèmes dans les mélodies populaires, à la manière du lied allemand.
Avec le réveil culturel de la Russie au xixe siècle et l’éclosion du mouvement slavophile, l’école synodale de Moscou renoue avec des motifs anciens et des harmonisations sobres et propices à la prière et à la méditation. L’introduction dans le choeur des voix de basse profonde renforcent le caractère mystique du drame liturgique. D’une étonnante beauté, cette musique est cependant peu jouée en concert, les basses profondes étant rares et très recherchées.
Depuis leur création en 1992, les Chantres de Moscou se consacrent au répertoire liturgique russe et plus particulièrement aux oeuvres pour basse profonde et choeur. Leur répertoire, appris au sein du Patriarcat de Moscou, du monastère Saint-Daniel ou de la cathédrale du Christ- Sauveur, comprend des monodies et des polyphonies primitives à deux et trois voix, des oeuvres des débuts de l’influence européenne, des chants monastiques des grands centres spirituels comme la laure de la Sainte-Trinité- Saint-Serge, la laure de Kiev, les monastères d’Optino et du Kremlin de Moscou, et enfin le grand répertoire du xixe siècle avec des oeuvres de compositeurs méconnus en France comme Alexandre Kastalski, Alexandre Gretchaninov, Pavel Tchesnokov, Alexandre Archangelsky.
Pierre Bois