Spectacle surtitré en français
Dérivé en partie du culte shinto, le répertoire de kagura est beaucoup plus ancien que celui du nô.
Lorsque la déesse solaire Amaterasu eut sa grande colère contre son jeune frère Susano, le dieu des mers, elle bouda la création entière et se cloîtra dans la caverne de Ame-no-Twaya. La terre entière fut ainsi privée de lumière et la vie devint insupportable pour les dieux comme pour les hommes. C’est alors que la jeune déesse Ame-no-Uzume-no-Mikoto se mit à chanter et à danser devant l’entrée de la grotte fermée par un énorme rocher. Sa danse et son chant, comiques et parodiques, provoquèrent un rire général qui, malgré l’obscurité secoua toute l’assistance. Curieuse, la déesse du soleil entrebâilla le roc qui fermait la caverne et, aussitôt quelqu’un fit rouler la pierre dans l’abîme. C’est ainsi que la lumière réapparût sur la terre.
Le kagura, (de kamukura : kamu pour les dieux et kura pour siège) c’est la rencontre des dieux et des hommes, « pour le plaisir des dieux ». Cette très ancienne forme dramatique dansée liée aux rites shintoïstes célèbre les esprits de la montagne, de l’arbre, de la pierre, de la rivière.
Les acteurs-danseurs, qui ne sont pas des professionnels, portent de volumineux masques de bois coloré et dansent avec vigueur sur des estrades de plein air. Eux-mêmes devenus « sièges des dieux » ils jouent les épisodes des mythes fondateurs, de la naissance de la lumière ou de la venue des divinités, un répertoire beaucoup plus ancien que celui du nô, dérivé des chroniques guerrières et des légendes dans lequel transparaît la conception japonaise de la divinité, de la nature et de la formation du monde. Accompagné par des musiciens, le jeu, très libre, déclenche alternativement la ferveur ou le rire.
D’une grande diversité, les costumes et les masques varient selon les danses. La troupe Take Kagura vient du village de Take qui se situe au pied du Mont Hayachine. On pense que c’est dans ce village que le kagura trouverait son origine. Chaque troupe possède son répertoire différent de celui des autres. Il en est de même pour les masques. Le répertoire de Take compte environ 70 danses. Chaque représentation de kagura débute par des danses rituelles, suivies de danses racontant l’histoire des divinités. Une danse finale, gongen mai, met en scène un shishi, sorte de créature imaginaire ressemblant à un lion noir et incarnant la divinité d’Hayachine elle-même. Ces narrations dansées peuvent revêtir un caractère naïf soit comique, soit hiératique. D’autres danses sont plus dramatiques, marquées par une certaine violence, ce sont les danses des dieux, des danses de personnages féminins qui retracent des légendes, ainsi que des danses de divertissement.
L’ensemble musical qui accompagne le kagura est constitué d’un tambour doko, deux cymbales sho et une flûte de bambou. Les musiciens s’installent sur scène, dos au public, à l’exception du flûtiste qui s’installe derrière le rideau de fond avec les chanteurs. On passe de mélodies au rythme doux et modéré à des moments plus violents au rythme puissamment marqué par les battements du tambour.
Les représentations de kagura sont très appréciées par la population locale car elles reflètent leurs croyances dans les forces de la nature et du cycle de la vie et font écho aux questions actuelles relevant de l’environnement et de l’écologie.
d'après Sumio Morijiri
Les kagura de Hayachine ont été inscrits en 2009 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel par l'Unesco.