Le sanjo est une suite pour un instrument mélodique accompagné au tambour. Ce genre créé à la fin du XIXe siècle par Kim Chang-jo incarne plus que tout autre la musique traditionnelle des Coréens d’aujourd’hui, sans doute en raison de ses sonorités très contemporaines et de la virtuosité qu’il impose à ses interprètes. Le sanjo puise dans plusieurs héritages : la musique chamanique sinawi, le drame chanté pansori, la musique des lettrés pungnyu. D’abord calme et méditative, la pièce composée de plusieurs mouvements gagne peu à peu en rapidité et en virtuosité, entraînant l’auditeur dans une spirale d’émotions : sérénité, détermination, passion, ressentiment, chagrin, résignation, allégresse.
Conçu à l’origine pour la cithare à chevalets gayageum, le sanjo a très vite été adopté par les maîtres des autres instruments coréens, la cithare à frettes geomungo, la cithare à cordes frottées ajaeng, la flûte daegeum, le hautbois piri etc. Forme en perpétuel devenir, le sanjo s’est rapidement subdivisé en de multiples écoles, chaque musicien se réappropriant et réinterprétant la version héritée de son maître pour la transmettre à son tour à ses propres disciples.
L’une des sources du sanjo est le sinawi, une improvisation collective jouée lors des rituels chamaniques. Les dissonances produites par la libre superposition des instruments se fondent dans l’harmonie d’une tonalité commune, produisant ce que les Coréens appellent une “discorde harmonieuse”. Autrefois déjà, le sinawi pouvait être simplement joué pour le plaisir, on l’appelait alors simbanggok (airs à écouter).
L’ensemble The Sinawi est un des seuls groupes de musiciens professionnels qui improvise encore cette musique en dehors du rituel. Il rassemble plusieurs maîtres de renom, dont certains sont considérés comme des trésors vivants.
Pierre Bois