Avec le Nô, le Bunraku et le Kabuki, le Kyôgen est l’une des quatre formes représentatives de l’art théâtral classique japonais. Cette forme de comédie populaire médiévale est apparue dans la région de Kyôto en même temps que le Nô, au début du xive siècle. Un peu à la manière de la Commedia dell’arte en Italie, il s’agissait à l’origine d’une forme improvisée plutôt simple, sans texte ni auteur défini. Puis, vers le milieu du xive siècle, il est devenu habituel pour les acteurs de Nô d’intercaler des scènes de Kyôgen entre les cinq pièces de Nô. Progressivement, combinant ainsi deux formes théâtrales contrastées, l’acteur principal des scènes de Kyôgen s’est mis à interpréter le rôle de ai (intervalle comique) au milieu de chaque pièce de Nô.
Alors que le Nô met l’accent sur la méditation et la mémoire, le péché et le salut, le Kyôgen témoigne ouvertement de la nature humaine en maniant merveilleusement bien l’humour.
L’origine de ces deux traditions est donc étroitement liée et peut être mise en parallèle avec l’utilisation par Shakespeare de la tragédie au coeur de la comédie, ces formes ayant toutes deux pour objectif de montrer les gens tels qu’ils sont réellement. Bien que le Kyôgen et le Nô aient conservé des liens très proches, la popularité grandissante du Kyôgen a permis aux représentations indépendantes de se multiplier, notamment en raison de la grande accessibilité de cette forme qui combine intrigue, personnages simples, une parole clairement adressée, un jeu stylisé et expressif et des temps de spectacle courts.
Grand acteur de Kyôgen au talent reconnu dans le monde entier, Mansai Nomura descend d’une famille d’acteurs dont la lignée remonte jusqu’aux xve et xvie siècles. Il est le fils de l’immense Mansaku II Nomura et petit-fils de Manzo VI Nomura, tous deux Trésors Nationaux Vivants. C’est à l’âge de trois ans qu’il fait ses premiers pas sur scène. Mansai Nomura a également étudié et travaillé à l’étranger, notamment à la Royal Shakespeare Company. Mais c’est son interprétation à l’âge de 19 ans du rôle de Tsurumaru, dans Ran, film sublime d’Akira Kurosawa, qui le révéla au grand public.
Il est depuis 2002 directeur artistique du Setagaya Public Theatre de Tokyo. Tout en s’attachant à élargir, tant au Japon qu’à l’étranger, la diffusion du répertoire de Kyôgen il s’emploie à renouveler le genre par des créations contemporaines qui s’enracinent dans l’essence de la tradition. Ce passionné de Shakespeare a adapté Richard III avec des acteurs de Kyôgen traditionnel, ou encore des farces et des comédies légères, comme La Comédie des Erreurs, créée pour le Globe Theatre de Londres, jouée ensuite à Tokyo puis au Festival International de San Francisco et au Kennedy Center de Washington.
Pour ces représentations exceptionnelles, Mansai Nomura et sa troupe présenteront deux programmes : Le Kyôgen des Erreurs, pièce dédiée à la Compagnie de Kyôgen Mansaku-no-Kai et écrite par le professeur Yasunari Takahashi, adaptation très fidèle de La Comédie des Erreurs de Shakespeare ; ainsi que Boshibari (Attaché à un bâton) et Kusabira (Les Champignons) qui sont, quant à elles, deux des scènes les plus célèbres du répertoire de Kyôgen traditionnel.