De la musique populaire à la musique classique et la musique de transe, la musique baloutche peut être divisée en deux parties : celle du nord, région de Sistân, et celle d’une province appelée Makrân (ou makorân) dans le sud et le centre. L’ensemble Makoran interprète un style appelé shervândi très spécifique à la région du Makrân : des poèmes épiques et narratifs, mêlant des chants mesurés et mélismatiques zahirigs, équivalents baloutches des maqâms arabes ou des ragas indiens. Ce style est considéré à juste titre comme la manifestation la plus haute et la plus complète de la musique savante baloutche.
Le drame dansé du Kerala, région située dans le Sud-Ouest de l’Inde, appelé kathakali, de « katha » (histoire) et « kali » (jeu), s’affirme comme un création relativement récente, mais pourtant gardienne de toutes les expressions traditionnelles millénaires du sud du continent indien. Bien que le répertoire se base sur le Māhabhāratā, le Rāmāyana (les deux épopées de l’hindouisme) et les Purāna (histoires mythiques fondatrices de la religion), le kathakali ne fait pas partie des expressions sacrées. Il participe, cependant, au même titre que les religions dramatiques antérieures, au renforcement du système des castes et à la légitimation des pouvoirs de l’autorité en place. S’il se déroule, au cours de longues nuits, dans les prémices des temples, il ne procure aucun état de conscience modifié, mais gratifie le public indien de moments réputés bénéfiques. Les personnages principaux sont des rois, des guerriers, des dieux et participent donc d’une dramatisation de l’invisible et de ce qu’Artaud appelle le théâtre de cruauté.
Le récit, interprété par séquences, se répète trois fois au cours du jeu. Dans la première version, seuls les musiciens et les deux chanteurs livrent le texte, généralement en sanscrit. Dans la deuxième partie qui s’enchaîne, le même texte est chanté en malayalam, la langue du Kerala et les acteurs-danseurs ne se livrent qu’à des indications gestuelles signifiantes. La troisième partie, plus particulièrement consacrée à la danse, reprend la même narration, mais en insistant sur les rythmes, produits par un maddalam (tambour horizontal à deux peaux), un ou deux chenda (tambour vertical), des ilathalam (petites cymbales de cuivre), un gong et les glissements entre les passages mélodiques. Après une attente préparatoire délectable, cette phase, généralement très attendue par les spectateurs indiens, leur permet de goûter le talent et la sensibilité des acteurs-danseurs et des musiciens.
D’après Françoise Gründ
ethnomusicolgue, écrivaine et co-fondadrice de la Maison
des Cultures du Monde ainsi que directrice artistique
de l’association de 1982 à 1998.