Le Buganda est le plus grand des royaumes traditionnels de l'Ouganda actuel. Les frontières de ce royaume sont marquées par le Lac Victoria au Sud, le Nil Victoria à l'Est et le Lac Kyoga au nord. L’Ouganda est l’un des rares Etats modernes du continent africain à porter le nom de l’un de ses peuples, les Ganda ou Baganda.
L'influence de ce peuple dans l’Ouganda du XXe siècle témoigne de la puissance politique, économique et culturelle qui était celle du royaume du Buganda aux XVIIIe et XIXe siècles. La musique de cour marquait chacune des étapes de la vie sociale. Le kabaka – roi du Buganda – entretenait de multiples orchestres. Des ensembles de trompes et de tambours royaux se relayaient au palais en fonction d’un calendrier musical complexe et précis.
Certains instruments de la cour étaient aussi des instruments d’usage populaire. C’est le cas des ensembles entenga composés de quatre à douze tambours à une peau, joués à mains nues. Quand le kabaka voulait féliciter publiquement l’un de ses sujets, il faisait sonner l’entenga devant sa maison. Le xylophone sur troncs de bananier akadinda, comportant jusqu’à ving-deux lames, était exclusivement réservé à la cour. La légende raconte qu’il aurait été amené par Kintu, le premier kabaka du Buganda. La harpe arquée ennanga était l’instrument royal par excellence. Cette harpe, composée de huit cordes, est accordée suivant une échelle pentatonique. La main droite joue une base mélodique sur laquelle improvise la main gauche.
Les répertoires musicaux du Buganda se sont transmis oralement, conservant le savoir dans la mémoire tant individuelle que collective. Mais l’abolition en 1962 des royaumes traditionnels provoqua un bouleversement, une rupture de la transmission des pratiques musicales, et menaça ce patrimoine. En mai 1966, les soldats du dictateur Idi Amin Dada mirent à sac les trésors de cet héritage culturel : tambours royaux, xylophones, lyres, harpes furent consumés dans un autodafé géant.
L’institution royale fut rétablie en 1993 mais la fonction du kabaka n’est aujourd’hui plus que d’ordre symbolique et spirituel. La mémoire collective ainsi que celle d’anciens musiciens de la cour royale permit de sauver ce patrimoine musical devenu marqueur de l’identité des Baganda et considéré comme un répertoire savant, celui de la musique classique ougandaise.
Florabelle Spielmann