François Guénet

MCMix Le nangyar kuthu par Kapila Venu MCMix#22 - Inde

Le cycle Musiques, danses et rituels : les pouvoirs du son se poursuit avec les premières minutes d’une représentation de nangyar kuthu par l’artiste indienne Kapila Venu, filmée en 2015 lors du 19ème Festival de l'Imaginaire.

 

Le nangyar kuthu est une performance en solo au cours de laquelle une actrice représente un épisode d’un drame sanskrit. On y retrouve la plupart des techniques du kutiyattam, tradition théâtrale à laquelle il est intimement associé. Jusqu’au milieu du XXe siècle, le nangyar kuthu et le kutiyattam étaient joués exclusivement dans les temples du Kérala par des acteurs de caste chakyar, des actrices nangyar et des musiciens nambiar. À partir des années 50, ces formes théâtrales commencèrent à être présentées en dehors des temples, à être enseignées dans des académies laïques comme le Kalamandalam et dans le même mouvement, elles transcendèrent les barrières de castes. Kutiyattam et nangyar kuthu conservent cependant un lien étroit avec le monde du sacré car en Inde il n’est point d’action qui ne nécessite une approbation divine.

Trois percussionnistes installés en fond de scène fournissent l’accompagnement musical qui sert de support à la danse et également de bruitage quand la situation dramatique l’exige. Deux d’entre eux jouent du mizhavu, de grandes jarres en terre cuite dont le col fermé par une membrane est frappé à mains nues. Le mizhavu fait l’objet d’un respect tout particulier. Le troisième batteur joue de l’edakka, un petit tambour en forme de sablier qui claque sous les coups de baguette. Une femme complète le dispositif en marquant la pulsation avec deux petites cymbalettes de cuivre, les talam.

Assise en avant-scène sur un lourd tabouret en bois, face à la lampe à huile en cuivre, l’actrice commence par récapituler par gestes les événements antérieurs à l’action en cours. Puis elle entre dans le récit proprement dit, incarnant tour à tour les différents personnages. Chaque geste, chaque mouvement, chaque expression du visage est le résultat d’un long et souvent douloureux apprentissage entamé dès l’enfance ou l’adolescence dans un centre de formation de temple ou dans une académie dramatique comme le Kalamandalam

Dans la tradition, le nangyar kuthu se cantonnait au récit de la vie de Krishna qui se déroulait pendant 41 nuits de suite. Aujourd’hui, le répertoire s’est considérablement élargi et certaines actrices composent leurs propres récits à partir de légendes ou de personnages mythologiques. Elles peuvent aussi interpréter les épisodes du Ramayana ou du Mahabharata qui mettent l’accent sur les héroïnes, ou des œuvres romantiques du poète Kalidas (Ve siècle).

Kapila Venu est la la fille de la danseuse de mohini attam Nirmala Paniker et de l’acteur de kutiyattam Gopalan Nair Venu. Elle a été l’élève de son père, mais aussi d’un acteur de kutiyattam légendaire : Ammannur Madhava Chakyar, de Kitangur Rama Chakyar et de l’actrice Usha Nangyar. Le style de Kapila Venu allie la grâce à une extrême précision dans les expressions du visage et des mains, ce qui rend son jeu particulièrement intelligible pour un public même non connaisseur.

À partir de textes de Pierre Bois

Distribution

Kapila Venu danse et solo d'actrice
Rajeev Padiparampil mizhavu
Hariharan Alikkil Narayana Guptan mizhavu
Unnikrishnan Padinjare Parangodath edakka
Saritha Thekkepattath Raman Nambiar talam

Musiques, danses et rituels : les pouvoirs du son

Depuis ses débuts, la Maison des Cultures du Monde a intégré à sa programmation des formes rituelles et festives, tout particulièrement dans le cadre du Festival de l’Imaginaire, en soulignant la valeur artistique et culturelle de ces expressions — souvent spectaculaires — qui rythment le calendrier de nombreuses sociétés. Plus qu’une trame sonore et gestuelle qui rythme son déroulé, la dimension musicale et chorégraphique de ces pratiques participe directement à l’efficacité de l’action, qu’il s’agisse de la cohésion du groupe social ou d’une communication avec des êtres surnaturels. La musique et la danse s’imposent ainsi comme un lien privilégié entre deux mondes.

C'est à ce titre que la Maison des Cultures du Monde propose, dans le cadre de sa saison 2021, le cycle thématique « Musiques, danses et rituels : les pouvoirs du son », qui comprendra des rencontres, des conférences et des contenus numériques.

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Le Nangyar Kuthu
Spectacle

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Le Nangyar Kuthu Inde - par Kapila Venu
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